Extraits du blog de Genevieve apres un séjour dans le desert

vendredi, octobre 23, 2009

La défense des savoir-faire du désert

L’association de Capucine et de Pabu – Malenbai – tente de retrouver des artisans qui se donneraient l’envie de renouer avec les métiers traditionnels au lieu d’aller casser des pierres sur le bord des routes en s’expatriant, pour plusieurs semaines, de leur village et de leur famille.


C’est ainsi que Kastura Ram, le tisserand, qui vit avec toute sa famille à Joshia, s’est remis à tisser laine de chèvre, poils de chameau et fils de coton. Il s’est même construit un nouvel abri pour travailler plus tranquillement. Jeanine et moi avons acheté chacune deux tapis pour les vendre dans nos marchés de Noël respectifs pour soutenir l’initiative. Le problème reste bien sûr de trouver de la laine de chèvre, puisqu’il semble qu’on ne sache plus tisser les poils de chèvre…

Un autre artisan s’est joint au projet: un potier du village de Radah. Il fait partie de la caste des potiers et aucun pot n’était sorti de ses mains depuis plusieurs années. Capu et Pabu l’ont convaincu de se remettre au tour et un des fils est très doué pour prendre la relève. Pour Divali, beaucoup de villageois sont venus lui acheter pots et vasques de fête. Et ça, c’était une victoire que la clientèle locale commence à revenir chez lui au lieu d’aller dans la grande ville!

Un savoir-faire très impressionnant est celui de tresser des herbes pour en faire des cordes qui tiendront une toiture en paille durant les mois de tempête de sable. Kamanadji est un vieux monsieur, léger comme une feuille de papier Bible, qui n’a pas hésité à se précipiter à Podha pour nous montrer de quoi il était capable! Le soir. il est allé chercher sur une dune toute proche l’herbe exacte dont il avait besoin. Il a pris son temps. Nous l’avons attendu en regardant les pierres dans le soleil couchant. Puis, le lendemain, à l’aube, il a commencé à tresser…et les herbes folles se sont faites cordes et liens…


Pabu Ki Dhani

 

La première fois que j’ai entendu ce terme hindi – dhani -, c’était dans le Shekawati à Apani Dhani. Cela m’avait frappé, parce que, d’une part, c’était le prénom de Dany, mais d’autre part, il était prononcé avec une sorte de douceur toute particulière. Quand on m’a donné la traduction d’ »Apani Dhani », notre naison, j’ai compris, une fois de plus, combien les sonorités de certaines langues traduisent l’essence des choses qu’elle nomme.

Et voilà que je retrouve ce terme ici, chez Pabu et Capucine, dans leur projet d’accueil « à la maison »! Avec courage et détermination, ils ont aménagé un terrain, enlevé les pierres (pour éviter que les serpents ne s’y cachent et pour voir ainsi leurs traces sur le sable), planté et arrosé des arbres en cercle, fait construire des charpois magnifiques avec un cadre de bois et des pieds qu’ils sont allés chercher à Barmer. D’abord une hutte ronde, puis trois, puis deux huttes rectangulaires.

 

Beaucoup de soin dans la construction, dans le traitement du toit (contre les insectes ou les scorpions dont les femelles ont tendance à faire leur nid dans la paille…), dans la décoration très sobre réalisée par Capucine à la chaux.


Les toilettes et salle de bain pour un « indian bath » sont dans la grande maison, mais désormais, tout est séparé et clairement délimité: la cuisine, la salle de bain, la pièce à vivre, une pièce qui servira de bureau, une immense réserve pour stocker le matériel, un enclos de fourrage, un autre pour les chèvres qui donnent le lait chaque jour et qu’il faut traire (en général, s’y mettre à deux, car ça gigote une chèvre!)…

 

 

Le projet de Capucine et de Pabu est d’accueillir pour un, deux ou trois jours des voyageurs qui veulent approcher la vie du désert, dans sa réalité de tous les jours: le silence, l’absence d’électricité, les repas faits sur le feu, le sommeil dans les bruits de la nuit, les chants des hommes qui bercent les enfants, la nature à la fois si dure et si belle… Il reste à trouver un nom définitif pour cette maison d’accueil. Et faire un site web, et un prospectus, et…et…et… Mais nous en reparlerons!

 

 

 

 

Les couleurs du désert

 

Quand les verts se font rares et que les tons de la nature se déclinent en ocre, rouille et noir, sous un ciel uniformément bleu, les êtres humains ont su, depuis l’aube des temps sans doute, réveilletr tout cela par des vermillons, des orangés, des roses et des bleus audacieux. Dans le désert, dans tous les déserts du monde, même les déserts qui relèvent de pays ultra religieux, les tribus se parent de couleur. Bien sûr, ce sont les femmes qui donnent le ton, mais les hommes ne sont pas en reste, même si, seul, le turban témoigne de ce souci de la couleur.

 

Cette femme est de la tribu des Jhoguis du village de Choderia. Les femmes de sa tribu dansent des danses ancestrales apprises de générations en générations. A la différence des danseuses de Bharatanatyam, elle ignore totalement la signification des gestes accomplis. Pourtant, nous aurions pu mettre une « Légende » sous chacun d’eux: merci à la terre, merci au ciel et aux étoiles, les gestes du labeur, cs pieds eux de l’enfantement, …


Ses pieds nus lourdement chargés de la fortune que les enfants auront à se partager après la mort et la crémation du corps heurtaient

 

 

Elle a dansé voilée, car Pabu était présent, et même si son frère et son mari étaient présents et lui intimaient l’ordre de se dévoiler, elle ne le pouvait tout simplement pas… Elle avait donné naissance à neuf enfants, et normalement, une femme se voila la face devant un homme plus âgé qu’elle, ce qui n’était nullement le cas de Pabu.

Le frère joue de la flûte du désert, en devant souffler, me semble-t-il, aussi fort que dans un duduk arménien, vu le gonflement des joues!

 

 

 

Les Jhoguis sont une des plus basses castes qui soient. Ils sont un peu méprisés même par les autres basses castes parce qu’ils mangent n’importe quoi…

Les arbres du défi

Quel défi que de faire planter quelques arbres autour d’une maison quand on habite une région où les pluies, certaines années, sont inexistantes! Il faut penser à tout: à la terre et à l’emplacement, bien sûr, mais aussi au vent, aux chèvres voraces, aux vaches errantes, aux chameaux gloutons, à l’eau qu’il va bien falloir amener de loin pour arroser suffisamment les jeunes arbres tous les dix jours, prévoir un budget à cet effet, protéger, soigner, regarder, anticiper, utiliser la base humide comme mini jardin potager! A chacun sa technique. Celle de Benjamin, ci-contre, diffère de celle de Pabu ci-dessous.

 

 


J‘ai été émerveillée par le travail entrepris par Pabu tout autour de la maison et autour des huttes. les arbres sont encore très jeunes, mais je peux imaginer combien cette couronne d’ombres si elle s’étoffe au fil des ans sera agréable et accueillante. Tout devient cercle et centre dans la Dhani de Pabu et Capucine. Nous en reparlerons.

 

 

 

 

Mais il y a aussi les autres arbres. Ceux qui poussent en sauvage. Ceux qui puisent leur subsistance dans les profondeurs de la terre. Ceux qui rompent la monotonie du paysage et qui défient la terrible malédiction de la sécheresse. Leurs formes sont étonnantes. Leur tronc ressemble parfois à de la pierre. Leurs racines s’apparentes à des pieds qui veulent s’émanciper. Les buissons ont l’air d’être de passage seulement… Souvent, ils se défendent avec des piquants.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les pierres du désert

Bien sûr, le sable est présent dans le désert du Thar. Mais pas tant que ça. Il y a quelques dunes immenses: celles de Sam, celles de Khuri, celles des « camel safaris » touristiques où il est proposé de faire une heure de chameau, de s’arrêter pour assister au coucher du soleil, de boire un tchai dans le sable, puis de repartir à son hôtel… Il me semble qu’il y a plus de pierres que de sable. Ou plus exactement, il y a du sable, beaucoup de sable, mais sous les pierres.

 

Les pierres sont, selon la région, noires, rouges, blanches, ocres, jaunes. Les couleurs des pierres varient en fonction de la lumière et du moment de la journée. Les pierres du désert sont en petit ce que les pierres de la Lena étaient en grand: elles contiennent toute la mémoire du monde. Chaque pierre raconte une histoire dans sa forme, dans sa couleur, dans sa texture, dans les motifs qu’elle contient. Il suffit de se pencher et de lire. Hier soir, quand nous sommes rentrés en tracteur dans le couchant, lee pierres noires étaient devenues violettes.

Le silence du désert

 

C’est ce qui frappe d’abord, chez Pabu et Capucine: le silence. Bien sûr, il y a parfois les cris des petits chirikis qui déchirent l’air au-dessus de la tête, puisqu’ils font leur nid dans la paille du toit des huttes ou de l’auvent. Il y a aussi la vigueur de la voix de petit Mohan quand il chasse les chiens sauvages à la manière de son papa. Mais, dans l’intervalle de ces sons, il y a le silence. Et avec la qualité de ce silence-là, il y a le temps, un temps dense, presque palpable, un temps en rapport avec l’humain dans ce qu’il a de plus proche de la nature. Le temps de la nuit (qui tombe très tôt vers 18 heures), puis cet espace de temps qui ira du lever du soleil à son coucher et durant lequel on mangera, on parlera, on dormira…

 

Texte de Gabrielle publié sur son site

Malenbai

Par Gabrielle le jeudi 24 septembre 2009, 14:29 – Les porteurs d’espoir http://www.esperrance.org
Nous partons au coeur du désert du Thar à la découverte de l’association
Malenbai. A une vingtaine de kilomètres de Jaisalmer, la jeep quitte la route
pour une piste qui serpente à travers des étendues de sable et de cailloux
noirs où quelques arbustes défient le vent et le soleil. Cet immense plateau
s’achève brusquement pour plonger sur une vaste étendue de sable clair,
semblable à un morceau de lune égarée sur la terre… un lac asséché. Nous nous
arrêtons au seuil d’une grande bâtisse solitaire qui semble contempler
l’horizon.

Les fondateurs de Malenbai, Capucine et Pabu, nous accueillent autour d’un thé
de bienvenue et nous racontent leur histoire… Lors d’un voyage en Inde, cette
jeune Française part avec sa famille pour un safari en chameaux sous la
conduite de Pabu. Ils se reconnaissent et décident d’unir leur destin dans ce
désert où tous deux se sentent chez eux plus que partout ailleurs. Ils s’y
installent en dépit de toutes les difficultés d’ordre matériel mais surtout
culturel et social. La mixité de leur couple n’est pas acceptée au sein de la
société indienne, d’autant que Pabu est issu d’une caste parmi les basses, les
Bilhs, chasseurs par tradition.

Capucine et Pabu

Après trois années de persévérance, la maison qu’ils ont construite est devenue
un lieu d’accueil, suivant la tradition des habitants du désert. Les
agriculteurs des terrains environnants, les bergers de passage, tous ceux qui
le souhaitent y font étape. Ils viennent seuls ou en familles, partagent leurs
repas et la grande terrasse où chacun s’endort à la belle étoile après la
veillée.

Pabu est fier d’être Bilh, mais de nombreux autres ont perdu ce sentiment.
Originaires du Gujarat, ils ont été déplacés près de Jaisalmer pour mettre
leurs talents de chasseurs au service des Maharajas. Lors de cette migration,
ils ont perdu beaucoup de leurs coutumes et de leur artisanat. Aujourd’hui, la
plupart survivent en cassant des pierres pour les chantiers de construction, un
travail de forçat dévalorisant.

Capucine et Pabu veulent faire de leur différence une force pour aider
les Bilhs à se relever.
Ils se tournent d’abord vers l’agriculture :
ils investissent dans un tracteur qu’ils prêtent aux familles pour les inciter
à cultiver leurs terrains et forment des jeunes à la conduite. L’année
suivante, ils profitent de l’eau du lac et du prêt d’un générateur électrique
pour faire une culture de moutarde irriguée. De nombreuses familles participent
aux semences puis à la récolte. Autour de cette activité nouvelle, se
développent échanges et partages au rythme des chants qui accompagnent le
travail. Cependant, l’opération est déficitaire et, devant le caractère
aléatoire des récoltes, il faut trouver d’autres idées.

Suivant les conseils enthousiastes d’une amie, ils créent en août 2007
l’association Malenbai
du nom de la déesse du désert vénérée par les
Bilhs. Leur objectif est de faire revivre l’artisanat local,
véhicule de la culture et des racines que les Bilhs ont besoin de retrouver.
Les savoirs se sont tellement perdus que Capucine et Pabu peinent à retrouver
les quelques personnes qui les détiennent encore, une véritable chasse aux
trésors.

Ils découvrent un tisserand, cet homme d’un certain âge n’a plus la force de
casser des pierres et peine à faire vivre sa famille. La possibilité inespérée
de reprendre son métier d’origine le réjouit. Avec l’aide de Malenbai, il
rénove le vieux métier à tisser de son père et se remet au travail. Après tant
d’années sans pratique, il lui faut plusieurs essais avant de maîtriser à
nouveau la technique. Ces tapis sont tissés à partir de poils de chèvre liés en
corde que seuls quelques vielles personnes savent encore faire ; Pabu doit
faire parfois 80 kilomètres pour trouver les précieuses pelotes. La vie de ce
tisserand est transformée : la vente des tapis à Malenbai lui assure une source
de revenus, et surtout il a retrouvé sa fierté et la considération de ses
pairs. Lorsque nous lui rendons visite, toute la famille et les enfants nous
accueillent avec joie et curiosité. En dehors de Capucine, nous sommes les
premiers étrangers à venir chez eux.

Le tisserand et sa fille

Cette année, Malenbai renouvelle l’expérience avec une famille de potiers d’un
village proche. Pour gagner leur vie, ceux-ci délaissaient peu à peu leur tour
et partaient vers les carrières casser des pierres. La poterie devenait une
activité d’appoint et risquait à terme d’être abandonnée. Motivé par
l’opportunité de vivre à nouveau de son art, le potier nous montre les nombreux
modèles qu’il sait faire. Capucine et Pabu lui donnent des idées d’objets
s’inspirant des traditions rajasthanaises et susceptibles de plaire à des
touristes. Nous sommes surpris lorsque son fils de 15 ans le remplace au tour,
faisant déjà preuve d’un grand savoir-faire. La transmission est assurée.

Le fils du potier

En visitant les familles, Capucine rencontre des femmes qui confectionnent de
magnifiques broderies pour leur usage personnel. Avec quelques idées nouvelles
puisées sur les marchés ou dans leurs traditions, elles pourraient utiliser
leurs talents et rejoindre les artisans de Malenbai…

Les huttes

Parallèlement aux activités de l’association, Capucine et Pabu cherchent à
développer une activité qui leur permette de vivre dans ce désert, condition
essentielle pour poursuivre l’action de Malenbai. Peu à peu, ils forment le
projet d’accueillir des touristes désireux de découvrir et vivre le désert.
Lors de notre venue, Pabu vient d’achever la construction de cinq belles huttes
traditionnelles qui sont harmonieusement disposées face à l’immensité du lac
asséché. Il souhaite également mettre à profit son expérience de guide pour
proposer des safaris en dromadaires aux visiteurs.

Chamelier

Leur démarche est emprunte d’éthique et de solidarité dans la continuité de
Malenbai : ils ont à cœur d’intégrer dans leur projet les artisans qu’ils
soutiennent en organisant des visites dans leurs villages afin que les
touristes découvrent leur travail. Ils conçoivent cette nouvelle activité comme
une chance de partager leur passion et leurs connaissances de cet environnement
mystérieux, dur et généreux à la fois. Ce sera pour les visiteurs l’occasion de
s’immerger dans la vie du désert : partager les repas avec les bergers de
passage, à la nuit tombée écouter leurs chants en admirant la voie lactée,
dormir dans des huttes bercés par le souffle du vent…



Comment les aider ?

Ce projet touristique soutiendra l’action de Malenbai, et avec l’aide de la
déesse du désert, pourra rendre espoir à la caste des Bilhs. Capucine et Pabu
invitent chacun à venir leur rendre visite, une belle idée pour des vacances «
découverte ». Ils sont établis à 24 kilomètres de Jaisalmer, soit 30 minutes en
jeep. Ils cherchent des contacts avec des agences de tourisme solidaire afin de
se faire connaître.

Lors de ses visites annuelles en France, Capucine collecte des vêtements et
médicaments afin de les distribuer à ceux qui en ont besoin. Les dons
financiers sont également bienvenus.

Contact

Site : http://malenbai.canalblog.com
E-mail : [email protected]
Téléphone de Capucine : +91 9829552278
Téléphone de Pabu : +91 9602534344

Gabrielle

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